VISUAL PROMPT
by Art by Sans @ www.deviantart.com/Sanskarans
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Derrière Toi
Elle était là, grande et blanche, ses cheveux noirs recouvrant son visage élancé. Je pouvais distinguer les lignes cassées de son menton aigu, entendre sa respiration lourde. Je sentais un regard me transpercer, mais je ne trouvais pas ses yeux.
Elle se tourne brusquement. Je sens une main se poser sur mon épaule, mais en réalité, elle est devant moi.
« Qui es-tu ? » je trouve la force de demander.
Elle se lance en avant d’un mouvement sec. Ses pas résonnent sur le sol. Elle est là, bien réelle. Elle court sans bouger le buste, telle une plante aux longues jambes. Sa chevelure sèche se balance entre les arbres immenses. Non ! Je ne veux pas être seule avec ça !
Je me précipite à sa poursuite.
« Il est là ! On n’est pas seules ! Aide-moi ! » je pleure dans l’obscurité.
Elle continue de s’éloigner. D’un coup, je trébuche sur une vieille racine noueuse, mon genou heurte la terre humide et verte. Elle se retourne et, en une fraction de seconde, elle est près de moi. Elle s’agenouille. Une main frêle et tremblante sort de sous ses vêtements blancs. Elle n’a pas d’ongles.
Elle effleure délicatement mon genou, et je frissonne au contact de sa peau glaciale. Elle est si proche… Je sens son souffle sur mon visage. Elle écarte ses cheveux d’un geste lent.
Je remarque alors qu’elle n’a qu’un œil, bleu clair. À la place de l’autre, il n’y a que de la peau bleuâtre parcourue de veines apparentes.
Elle fixe ma blessure, puis, soudain, elle me plaque au sol avec une force surhumaine.
Elle est sur moi.
Je plonge mon regard dans sa prunelle translucide. Une seconde. Puis elle m’embrasse sur les lèvres.
Un goût de pommes acides, de verdure. Puis, comme un souffle d’air froid.
J’ouvre les yeux.
Le placoplâtre blanc du plafond de ma chambre est immaculé, reflétant la lumière crue du soleil de midi.
Encore un rêve…
Cela fait maintenant des mois que je rêve d’elle.
J’ai décidé de l’appeler Amalia, sans trop savoir pourquoi. C’était le nom de mon amie d’enfance, celle qui avait déménagé en Thaïlande avec ses parents quand nous avions huit ans. Je l’ai mal vécu.
Elle aussi était grande et pâle, bien plus grande que moi. Ses yeux étaient d’un bleu magnifique, et sa chevelure d’ébène scintillait sous le soleil. Elle était douce et timide, sauf quand elle nous sentait menacées.
Je me souviens d’une fois où des filles que nous trouvions cool me harcelaient à cause de mes passe-temps particuliers : j’adorais collectionner des insectes et des feuilles séchées. Elles étaient six, grandes, blondes, sûres d’elles, et elles me traitaient de folle parce que je collectionnais des papillons morts.
Alors, Amalia s’est interposée entre nous et leur a crié :
« Oui, Émilie aime les papillons, et alors ? Elle ne t’a pas insultée, toi ! Laisse-la tranquille, elle peut aimer ce qu’elle veut. Elle n’est pas plus nulle que toi, on est toutes bien ! »
Cette dernière phrase m’avait réchauffé le cœur. C’était du Amalia tout craché : honnête, mais toujours soucieuse d’apaiser les conflits.
Plus tard, j’ai appris que sa mère avait poignardé son père. Elle avait des addictions… Une famille brisée.
Amalia avait tout vu. C’est elle qui me l’a raconté. Petite, j’étais choquée rien qu’en l’écoutant. Mais elle, elle en parlait avec une étrange sérénité. Je voyais parfois une larme silencieuse briller dans ses yeux, sans plus. Elle disait que ça la rendait triste de savoir sa mère en prison, mais qu’elle acceptait les choses telles qu’elles étaient.
« C’est comme ça, et j’suis pas fâchée, tu vois. C’est dur pour nous, mais c’est dur pour elle aussi. Elle a pas besoin d’excuses pour être ce qu’elle est. Certaines personnes juste… sont. J’espère qu’elle ira mieux un jour. Mon papa va déjà mieux. »
Petite, je la trouvais juste calme et gentille. Aujourd’hui, je me dis que cette enfant était incroyablement sage. C’était un cadeau que de l’avoir connue.
Deux ans après cet événement, son père a décidé qu’il était temps de tourner la page. L’état de sa mère s’était amélioré, mais ils avaient choisi de se séparer. Son père a obtenu une promotion en Thaïlande et y a acheté une maison. Ils sont partis un matin chaud de juillet, avant notre entrée en CE2.
J’avais supplié ma mère de nous accompagner à l’aéroport.
L’aéroport de Toulouse était bondé. Amalia portait une robe blanche en coton, ses cheveux noirs étaient plus longs et plus brillants que jamais. Elle m’a regardée et m’a serrée dans ses bras, un câlin un peu timide.
Sur son visage, je n’ai vu aucun sentiment. Plus de fille calme et sage. Juste… rien.
Puis elle s’est retournée et a traîné sa petite valise à roulettes, suivant son père qui nous adressait un grand sourire et agitait la main en signe d’au revoir.
Depuis, je n’ai plus jamais parlé à Amalia. À l’époque, nous n’avions pas encore de téléphone, et son père a changé de numéro en changeant de pays.
Je repensais à elle avec douceur de temps en temps, sans plus.
Cette pauvre fille… J’espère qu’elle est devenue une femme heureuse, qu’elle a surmonté tout cela.
Mais il y a quelques mois, j’ai recommencé à rêver d’elle. Tellement que je dors à peine la nuit. Heureusement que c’est mon année sabbatique…
Je la vois comme ça, maintenant. Un œil en moins, perdue dans une forêt inconnue.
Mais ce n’est qu’un rêve, n’est-ce pas ?
Mes pensées tournaient en boucle pendant que je faisais ma valise.
Aujourd’hui, je pars la retrouver. Ou du moins, retrouver ce qu’elle est devenue.
Mon téléphone vibre dans ma poche. Une notification s’affiche :
« Air France : Mme Bailly, votre vol pour Phuket est prévu pour aujourd’hui, 20h38. Le vol est prévu à l’heure. »
J’inspire profondément.
Pourvu que moi aussi, j’arrive à temps…
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